LA FAMILLE ESCLAVE

à Bourbon

De l’ensemble des données présentées pour chaque commune, on peut déduire quelques informations chiffrées sur la population esclave de l’île à la veille de l’abolition de 1848.

 

1/ Les marrons:

 

Selon les déclarations des maîtres dans les recensements, ils sont environ 250. Ce sont tous de “grands marrons”, c’est-à-dire des personnes étant durablement parties des propriétés; Le “petit marronnage” n’est pas signalé par les propriétaires.

Parmi ces marrons, on relève 14,6% de femmes et 87,4% d’hommes.

Globalement, on note 31,3% de Créoles, 24,7% de Malgaches et 42,3% de Cafres. On trouve également 2 Malais et 2 Indiens. Selon le sexe, cela diffère car les femmes créoles représentent 67% des “marronnes” et les hommes cafres 48% des “marrons”.

Naturellement c’est dans le groupe des Créoles que l’on trouve l’esclave marron le plus jeune, ils s’agit d’une femme de 15 ans. La moyenne d’âge est bien plus élevée chez les hommes, selon les estimations d’âges pour les non-créoles, établies par les maîtres.

Parfois ces marrons sont dits “supposés morts” car leurs fuites datent de plus de 20 ans.

Proportionnellement à la population esclave, ils sont les plus nombreux à Saint-Joseph puis Saint-Paul, Saint-Denis et Saint-Leu.

 

 

2/ L’appartenance ethnique:

 

On constate des variations selon les communes, quant à l’importance de tel ou tel groupe ethnique.

Ainsi les Malais, venus principalement après l’interdiction de la Traite en 1817, sont très présents le long de la côte Est et à Saint-Denis.

Globalement, l’ile compte, juste avant l’affranchissement de 1848, plus de 41 870 esclaves créoles. Le deuxième groupe ethnique par son importance est celui des Cafres, 21.9%, puis celui des Malgaches, 11.3%.

Indiens et Malais sont une petite minorité. Les Indiens sont, pour la plupart, âgés de plus de 60 ans.

Les Malais d’une moyenne d’âge inférieure à 35 ans, sont représentés tant par des femmes que par des hommes. La répartition par sexe met en évidence l’équilibre naturel chez les Créoles et le déséquilibre très important au sein des groupes des Cafres et des Malgaches.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

· On relève également deux esclaves dits Portugais à St Denis et St Pierre.

 

3/ Le nombre d’esclaves affranchis:

Nous avons relevé 65 374 esclaves mais à des années différentes et avec l’absence de certaines propriétés. Nos chiffres ne permettent donc pas d’affirmer un nombre précis d’esclaves affranchis en 1848 mais d’estimer ceux presents sur les proprieties entre 1845 et 1848.

Toutefois, les chiffres proposés habituellement se réfèrent aux données de Patu de Rosemond, soit 62 251 esclaves. Les données officielles (6M1308-1309) donnent ce chiffre pour début 1847 mais indiquent 60 151 esclaves au début 1848, Cette baisse est due à un certain nombre d’affranchissements avant le 20 décembre et à la différence entre  le nombre de décès et celui des naissances.

Ces données sont cependant assez différentes de celles que nous avons établies.

En 1848, on notera 6868 demandes d’indemnités par les propriétaires. Nous n’avons retrouvé que 6565 maîtres d’esclaves. La moyenne d’esclaves par propriété est d’environ 10 personnes. Cela impliquerait qu’environ 3000 esclaves ne sont pas répertoriés ici. Pour près de 1500 de ceux-ci, nous connaissons leur patronyme à l’abolition mais nous n’avons pu les retrouver. D’autre part, nous relevons plus de 6300 esclaves non identifies, certains car décédés avant l’abolition, d’autres, aux prénoms très communs, ont pu participer au mouvement de “fuite” des habitations après l’abolition et s’installer dans n’importe quelle autre commune De nombreux décès après 1848 n’indiquent qu’un prénom. Parmi ces personnes, 50% sont des Créoles et 32% des Cafres, ce qui ne correspond pas à la reparation ethnique constatée .

Il faut retenir que le nombre de demandes d’indemnisations ne correspond pas du tout à la réalité du nombre de propriétés en 1848; En effet, de nombreux proprietaries vendront leurs “coupons” attestant de leur propriété sur des esclaves afin de percevoir plus tôt de l’argent.

On peut estimer à près de 64 000 esclaves le nombre de personnes en esclavage à la veille de l’abolition.

 

4/ La Traite Illégale:

Malgré l’interdiction de la Traite en 1817*, on constate une poursuite de celle-ci assez  importante jusque vers 1830-1835. Selon l’âge estimé des esclaves non créoles en 1848, on peut estimer le nombre de victimes de la Traite illégale encore vivantes à cette date à près de 7000, sachant que la mortalité touchait fortement ces derniers esclaves introduits.

On peut estimer qu’en 1848, plus du tiers des esclaves non créoles sont arrivés sur l’île après  l’interdiction de la Traite: 67% des Malais, 45 % des Cafres, 23% des Malgaches.

· En réalité, la Traite a été également interdite durant l’occupation anglaise de 1810 à 1815.

 

5/ Les identifications:  Il s’agit d’esclaves dont nous connaissons les patronymes ou pour lesquels, dans certains cas, nous connaissons le décès mais sans patronyme. Nous avons intégré ceux sans patronyme mais dont nous connaissons les liens familiaux, en général mère-enfants.

Le total atteint 59 572 personnes et est en constante progression à mesure que les données sont mises à jour. Cela correspond à l’identification de plus de 91,1% des esclaves.présents dans la base.

Gilles GERARD

Anthropologue & Historien

Ile de La Réunion

Dernière mise à jour 21 juillet 2024

Sur 65372

esclaves*

Créoles

Cafres

Malgache

Indiens

Malais

Ethnie Inconnue

Total

Hommes

 21469

11820

5461

115

616

242

 39723

Femmes

 20402

 2502

 1946

76

 655

68

25649

Total

41871

64 %

14322

21,9% 

7407

11,3% 

191

0.3%

 1271

1.8%

310

0,8

65372